Village de pêcheurs au centre d’un cercle de feu, Minam est menacé par la pollution industrielle et l’érosion côtière. En plus de voir leur unique activité économique, la pêche, freinée par les contrecoups d’une industrialisation effrénée, les populations bataillent désormais pour sauver leur vie.
C’est une petite enclave rustique, au sud-est de Bargny, coincée entre les dents de la mer et une ceinture industrielle hyper-polluante. Minam ! Le simple nom renvoie à la misère d’une population livrée à elle-même face à la prédation. Village de pêcheurs en plein cœur d’une ville, ce hameau inhospitalier est à elle-seule une cinglante claque qui rappelle aux autorités étatiques et territoriales l’ampleur des inégalités profondes de notre société.
Il est 9 heures, ce lundi 13 décembre 2021 ! Les ardents rayons du Soleil chassent, peu à peu, la fraîcheur matinale encore perceptible. Il fait presque beau ! Seul bémol : l’air est comprimé par un gros nuage de poussière. Comme partout à Bargny d’ailleurs. Celui-ci (ce nuage) émane des turbines de la Sococim, la cimenterie située à quelques kilomètres. A cette heure, les 600 âmes que compte le village commencent à vaquer à leurs occupations sous l’ombre menaçante de leur nouvelle voisine mal-aimée : la centrale à charbon.
La centrale à charbon, une voisine encombrante
La grosse cheminée de la centrale surplombe le petit quartier où les écoliers commencent à entrer en salle dans ce lugubre établissement qui fait office d’école élémentaire. « Vous voyez ! L’école n’a même pas de mur de clôture (ce n’est qu’au mois d’octobre dernier après plus de 10 ans qu’un mur de clôture a été érigé, Ndlr) et est à moins de 400 mètres de la centrale à charbon contrairement à ce que dit l’étude d’impact environnemental. Ils (les promoteurs de la centrale et l’Etat du Sénégal) polluent notre environnement, rejettent leurs eaux de process à côté de l’école primaire et ils n’ont même pas une once de pitié pour nous », rouspète Idy Guèye, un jeune pêcheur devenu, contre son gré, activiste et fervent défenseur de la cause de Bargny en général et de Minam en particulier.
En plus de subir de plein fouet les affres de la pollution de la Sococim, Minam est également contraint de cohabiter avec la centrale à charbon qui foule au pied toutes les normes du code environnemental sénégalais lequel exige une zone de sécurité d’au moins 500 mètres entre une industrie de cette catégorie et les habitations. « Ici cette distance n’est pas respectée. On ne se lève pas un jour sans trouver de la cendre de charbon dans nos maisons. L’Etat du Sénégal qui doit veiller à notre santé et à la préservation de notre environnement n’a rien fait pour nous aider. Au contraire, il (l’Etat) est complice puisque c’est lui-même qui a fait de cette zone une ZES (zone économique spéciale) et a autorisé l’implantation de ces industries polluantes », martèle Idy Guèye, s’affairant à la réparation de son filet maillant.
La pêche ne nourrit plus
Non loin de l’école, le quai de débarquement, du moins ce qui en reste, étale un décor sinistre. Une vingtaine de pirogues y sont amarrées à côté d’une mare d’eau de process rejetée par la centrale à charbon. « En plus de polluer les terres, la centrale à charbon pollue également l’écosystème marin. Du coup le poisson se fait très rare », dénonce ce pêcheur confronté à une très longue période de vaches maigres. Difficile de croire que ces jeunes mareyeurs étaient à l’abri du besoin, à une certaine période de leur vie.
« Il y a un peu plus de dix ans avant l’implantation de la centrale, on a connu l’opulence. On parvenait à vivre décemment avec les revenus de la pêche », ressasse Idy Guèye plongé dans la nostalgie de ces périodes fastes. Aujourd’hui, beaucoup passent la journée à se tourner les pouces à cause de la raréfaction du poisson. Un phénomène qui est le corollaire direct de la pollution marine qui a fini par dégrader ce récif jadis peuplé de poissons. « Des fois on peut tourner des kilomètres dans la mer sans trouver du poisson. Les deux tuyaux d’évacuations d’eau chaude de la centrale ont fait fuir les poissons », accuse-t-il.
Et comme pour mettre un frein à l’activité de pêche, unique gagne-pain de ces populations essentiellement composées de pêcheurs, l’Etat du Sénégal a érigé un port minéralier et vraquier qui ceinture Minam. « Entre le port de Bargny-Sendou et le port de Ndayane c’est seulement 8 kilomètres. Dans l’histoire on n’a jamais vu deux ports qui sont distants de 8 kilomètres. Ce qui va se passer c’est que les pêcheurs ne pourront plus travailler dans cette zone qui sera occupée par des tyrans d’eaux qui ont besoin d’au minimum 18 mètres de profondeur. Donc plusieurs emplois seront perdus. Avec ses 350 files à tourner, les emplois que crée la pêche toutes ces industries réunies ne pourront pas les créer », martèle Daouda Guèye, coordonnateur du Réseau des Associations pour la Protection de l’Environnement et la Nature (Rapen).
Erosion côtière, une menace supplémentaire
Minam fait également face à un phénomène qui menace de la rayer complètement de la carte. Il s’agit de l’érosion côtière. En effet, d’après des études scientifiques, la mer dévore chaque année deux mètres sur la berge. Ici, plusieurs maisons ont été englouties de même qu’une partie du cimetière. Selon des études réalisées par la National Oceanic and Atmospheric Administration des Etats-Unis, rapportées par Daouda Guèye, d’ici 2100 aussi bien Minam que Bargny seront rayés de la carte. « En 2100, la mer va dépasser la route nationale », renseigne-t-il.
Le réchauffement climatique y est naturellement pour quelque chose mais cela a été aggravé, selon lui, par les mauvais choix économiques de l’Etat. « Les premiers réfugiés climatiques viendront de Bargny. Soit les gens vont quitter Bargny soit il y aura des milliers de morts », prévient-il.
Craignant le pire, les populations de Minam invitent l’Etat du Sénégal à prendre ses responsabilités. « Nous sommes des sénégalais à part entière. L’Etat nous doit respect et considération. Avec tous ces dangers qui gravitent autour de nous si la solution est de délocaliser le village que les autorités étatiques viennent nous voir », lance Idy Guèye. D’ici là, les populations de Minam continuent à vivoter la peur au ventre !
C’est une petite enclave rustique, au sud-est de Bargny, coincée entre les dents de la mer et une ceinture industrielle hyper-polluante. Minam ! Le simple nom renvoie à la misère d’une population livrée à elle-même face à la prédation. Village de pêcheurs en plein cœur d’une ville, ce hameau inhospitalier est à elle-seule une cinglante claque qui rappelle aux autorités étatiques et territoriales l’ampleur des inégalités profondes de notre société.
Il est 9 heures, ce lundi 13 décembre 2021 ! Les ardents rayons du Soleil chassent, peu à peu, la fraîcheur matinale encore perceptible. Il fait presque beau ! Seul bémol : l’air est comprimé par un gros nuage de poussière. Comme partout à Bargny d’ailleurs. Celui-ci (ce nuage) émane des turbines de la Sococim, la cimenterie située à quelques kilomètres. A cette heure, les 600 âmes que compte le village commencent à vaquer à leurs occupations sous l’ombre menaçante de leur nouvelle voisine mal-aimée : la centrale à charbon.
La centrale à charbon, une voisine encombrante
La grosse cheminée de la centrale surplombe le petit quartier où les écoliers commencent à entrer en salle dans ce lugubre établissement qui fait office d’école élémentaire. « Vous voyez ! L’école n’a même pas de mur de clôture (ce n’est qu’au mois d’octobre dernier après plus de 10 ans qu’un mur de clôture a été érigé, Ndlr) et est à moins de 400 mètres de la centrale à charbon contrairement à ce que dit l’étude d’impact environnemental. Ils (les promoteurs de la centrale et l’Etat du Sénégal) polluent notre environnement, rejettent leurs eaux de process à côté de l’école primaire et ils n’ont même pas une once de pitié pour nous », rouspète Idy Guèye, un jeune pêcheur devenu, contre son gré, activiste et fervent défenseur de la cause de Bargny en général et de Minam en particulier.
En plus de subir de plein fouet les affres de la pollution de la Sococim, Minam est également contraint de cohabiter avec la centrale à charbon qui foule au pied toutes les normes du code environnemental sénégalais lequel exige une zone de sécurité d’au moins 500 mètres entre une industrie de cette catégorie et les habitations. « Ici cette distance n’est pas respectée. On ne se lève pas un jour sans trouver de la cendre de charbon dans nos maisons. L’Etat du Sénégal qui doit veiller à notre santé et à la préservation de notre environnement n’a rien fait pour nous aider. Au contraire, il (l’Etat) est complice puisque c’est lui-même qui a fait de cette zone une ZES (zone économique spéciale) et a autorisé l’implantation de ces industries polluantes », martèle Idy Guèye, s’affairant à la réparation de son filet maillant.
La pêche ne nourrit plus
Non loin de l’école, le quai de débarquement, du moins ce qui en reste, étale un décor sinistre. Une vingtaine de pirogues y sont amarrées à côté d’une mare d’eau de process rejetée par la centrale à charbon. « En plus de polluer les terres, la centrale à charbon pollue également l’écosystème marin. Du coup le poisson se fait très rare », dénonce ce pêcheur confronté à une très longue période de vaches maigres. Difficile de croire que ces jeunes mareyeurs étaient à l’abri du besoin, à une certaine période de leur vie.
« Il y a un peu plus de dix ans avant l’implantation de la centrale, on a connu l’opulence. On parvenait à vivre décemment avec les revenus de la pêche », ressasse Idy Guèye plongé dans la nostalgie de ces périodes fastes. Aujourd’hui, beaucoup passent la journée à se tourner les pouces à cause de la raréfaction du poisson. Un phénomène qui est le corollaire direct de la pollution marine qui a fini par dégrader ce récif jadis peuplé de poissons. « Des fois on peut tourner des kilomètres dans la mer sans trouver du poisson. Les deux tuyaux d’évacuations d’eau chaude de la centrale ont fait fuir les poissons », accuse-t-il.
Et comme pour mettre un frein à l’activité de pêche, unique gagne-pain de ces populations essentiellement composées de pêcheurs, l’Etat du Sénégal a érigé un port minéralier et vraquier qui ceinture Minam. « Entre le port de Bargny-Sendou et le port de Ndayane c’est seulement 8 kilomètres. Dans l’histoire on n’a jamais vu deux ports qui sont distants de 8 kilomètres. Ce qui va se passer c’est que les pêcheurs ne pourront plus travailler dans cette zone qui sera occupée par des tyrans d’eaux qui ont besoin d’au minimum 18 mètres de profondeur. Donc plusieurs emplois seront perdus. Avec ses 350 files à tourner, les emplois que crée la pêche toutes ces industries réunies ne pourront pas les créer », martèle Daouda Guèye, coordonnateur du Réseau des Associations pour la Protection de l’Environnement et la Nature (Rapen).
Erosion côtière, une menace supplémentaire
Minam fait également face à un phénomène qui menace de la rayer complètement de la carte. Il s’agit de l’érosion côtière. En effet, d’après des études scientifiques, la mer dévore chaque année deux mètres sur la berge. Ici, plusieurs maisons ont été englouties de même qu’une partie du cimetière. Selon des études réalisées par la National Oceanic and Atmospheric Administration des Etats-Unis, rapportées par Daouda Guèye, d’ici 2100 aussi bien Minam que Bargny seront rayés de la carte. « En 2100, la mer va dépasser la route nationale », renseigne-t-il.
Le réchauffement climatique y est naturellement pour quelque chose mais cela a été aggravé, selon lui, par les mauvais choix économiques de l’Etat. « Les premiers réfugiés climatiques viendront de Bargny. Soit les gens vont quitter Bargny soit il y aura des milliers de morts », prévient-il.
Craignant le pire, les populations de Minam invitent l’Etat du Sénégal à prendre ses responsabilités. « Nous sommes des sénégalais à part entière. L’Etat nous doit respect et considération. Avec tous ces dangers qui gravitent autour de nous si la solution est de délocaliser le village que les autorités étatiques viennent nous voir », lance Idy Guèye. D’ici là, les populations de Minam continuent à vivoter la peur au ventre !
10 Commentaires
Verite
En Novembre, 2022 (09:43 AM)Daba
En Novembre, 2022 (11:47 AM)Allez les prendre mettez les fusils d'assaut automatique les bajokas pour stopper l'eau
Les populations de cette zone « rurale » de la région de Dakar sont laissées à elle-même (Sendou, Minam, Yène etc…), jamais dans l’histoire de l’humanité on n’a jamais vu deux ports qui sont distants de 8 kilomètres. Ce qui va se passer dans l’avenir c’est que les pêcheurs ne pourront plus travailler dans cette zone qui sera occupée par des tyrans d’eaux qui ont besoin d’au minimum 18 mètres de profondeur. Donc plusieurs emplois seront perdus. Avec ses 350 files à tourner, les emplois que crée la pêche toutes ces industries réunies ne pourront pas les créer ;
Notre état est en train de tuer la pêche artisanale et l’agriculture dans cette zone ou les terres sont aussi exproprié de la population locale sans tenir compte des règles juridiques le plus élémentaires ; des terres arrachées aux autochtones qui vivaient de la culture hivernale sans indemnisation (des pertes de revenus pour plusieurs familles).
Notre état ne protège pas ses citoyens, tout ce qui les intéressent c’est leurs avantages et progénitures sur la sueur du contribuable sénégalais ;
Nous prions pour que Dieu, fasse le jugement ici-bas du procès et la sentence des dirigeants qui nous gouvernent.
Witness
Bargnois D'adoption
En Novembre, 2022 (21:38 PM)pauvre de nous
Participer à la Discussion